Bilan du soutien à Jérôme Kerviel
La fin de l'audition de Jérôme Kerviel à la Brigade Financière met un terme au premier volet du scandale de la Société Générale. Il est l’heure de faire un premier bilan de ces derniers jours d’effervescence, qui ont vu un inconnu devenir un des personnages les plus célèbres de France et une star absolue de l’Internet.
Globalement, le soutien à Jérôme Kerviel est massif : une déferlante de commentaires positifs allant plus sobre (« Courage dans cette épreuve ») au plus dithyrambique (« Jérôme tu es ma nouvelle idole »), probablement bien réconfortants pour un jeune homme qui se rendra compte qu’il est loin d’être devenu le paria de tout un peuple. Si je m’en réfère aux visites très nombreuses et aux commentaires de ce blog, il existe donc encore des gens épris de justice où le concept de présomption d’innocence a encore un sens. Je ne peux toutefois m’empêcher de penser que, derrière cet élan spontané se cache une tradition bien française, héritée de notre passé révolutionnaire, qui consiste à défendre par principe le faible contre le fort, quel que soit le tort potentiel dudit faible. C’est ainsi, le français se plait à être pourfendeur du puissant. Or, peut-il y avoir une cible plus idéale que cette Société Générale, symbole d’un capitalisme international, jusqu’au-boutiste dans ses plus pervers travers comme la spéculation, et cotée au CAC 40, indice ô combien décrié par nos responsables politiques de gauche ? Il est d’ailleurs cocasse de constater à quel point les banques, qui font partie de notre quotidien, forment un univers dont le commun des mortels ne peut soupçonner la réalité. L’affaire Kerviel a ainsi continué à creuser un fossé entre les deux France, d’en bas et d’en haut, aux préoccupations antagonistes. Mais ne boudons pas notre plaisir, et reconnaissons avec plaisir qu’il y a encore dans notre pays un esprit prêt à s’opposer à une tentative de lynchage public.
Lynchage. Le mot revient sans cesse, et pas seulement pour qualifier la détestable attitude de la Direction de la Société Générale. La presse n’a cessé de partir à la chasse au sensationnel : nouvelles photos de Jérôme Kerviel, témoignages de la famille, recherche des amis… heureusement, peu d’éléments sur ce breton universitaire qui voulait devenir trader d’exception au pays des diplômés de Grandes Ecoles ont filtré par rapport à ce que nous savions déjà dans les premiers jours. Cette réconfortante omerta en pays Bigouden a permis de limiter autant qu’il fut possible le déversement de nouvelles informations à caractère privé, inutiles à la compréhension de l’affaire. La chasse au scoop, si louable pour de l'information véritable, est détestable quand il s’agit d’alimenter les plus vils instincts voyeurs du public.
Intéressant sera de voir maintenant comment vont réagir les français face aux révélations de Jérôme Kerviel à la Brigade Financière. Et notamment que ses performances de trader en 2007 lui permettaient de viser un bonus annuel de 300 000 euro, alors que lui-même exigeait à sa hiérarchie un montant de 600 000 euro. Jérôme Kerviel sera-t-il toujours perçu comme une pauvre victime d’un système impitoyable, ou, finalement, suscitera-t-il plus de jalousie que de sympathie compte tenu de ces montants astronomiques ? Je crains hélas que la deuxième hypothèse ne soit plus plausible : la vox populi est intraitable envers ceux qui gagnent beaucoup d’argent.