La Société Générale et sa malhonnête stratégie de défense
La stratégie de la Société Générale dans l’affaire continue à susciter chez moi incrédulité et indignation.
Certes, la façon dont la banque admet, pour la première fois, ses erreurs et ses faiblesses dans le management de ses équipes (une « défaillance de la supervision de ses activités », causée pour un manque d’expérience flagrant de ses responsables), témoigne d’une volonté de faire table rase du passé et d’instaurer une nouvelle culture au sein de la salle des marchés, basée sur le respect des règles de contrôle.
Toutefois, on s’interrogera sur la sincérité d’un tel aveu. Car en parallèle de ce mea-culpa prophylactique, qui rassurera peut-être les investisseurs et les employés qui désertent chaque jour un peu plus les rangs, la banque continue sa stratégie de recherche de bouc-émissaire et de complicité présumée, contredisant d’ailleurs sa ligne de défense initiale, qui consistait à considérer Jérôme Kerviel comme un « formidable dissimulateur » qui avait agi seul (dixit Daniel Bouton).
Les premières pistes de complicité avaient, pour reprendre la sémantique d’un ancien président français, déjà fait « pschitt » : Manuel Zabraniecki et la bruyante et stérile perquisition au siège de la banque qui l’avait accompagnée ; Moussa Bakir, l’agent de la Fimat dont les échanges sur la messagerie Reuters avec Jérôme Kerviel faisaient plus penser à de la sympathique camaraderie qu’à une entreprise malhonnête…
Dernier pigeon sorti du chapeau magique de la Société Générale : une « complicité interne » en la personne d’un magnifique lampiste : Thomas Mougard, 23 ans et ancien assistant trader de Jérôme Kerviel. Un bien grand chapeau qu’essaye de lui faire porter la banque, lui qui n’a probablement fait que transmettre des ordres de son trader, via un obscur email, sans en comprendre le contenu. On supposera donc sans difficulté que cette piste fera « pschitt » comme les autres.
Mais le plus grave est dans cette affaire est la malhonnêteté intellectuelle érigée en guise de paravent pour assurer sa défense. Ainsi, les subalternes qui obéissent aux ordres de leurs supérieurs sont, aux yeux de la Société Générale, des « complices » ; mais les supérieurs hiérarchiques qui ferment les yeux sur les agissements d’un trader, en les gardant malgré tout grand ouverts sur les perspectives de bonus de fin d’année, ne sont fautifs que pour leur manque d’expérience.
La révolution culturelle au sein de la Société Générale n’est pas près d’avoir lieu !