Entretien de Daniel Bouton à Mediapart : enfin l'aveu !
Une fois de plus, Daniel Bouton a choisi de ne pas garde le silence, et une fois de plus, nous pouvons dire que, souvent, la meilleure chose à faire est de se taire.
Après avoir révélé l’affaire en procédant à l'odieux lynchage médiatique de Jérôme Kerviel que l'on sait, l’accusant à la une des journaux de « terroriste » ; après avoir toujours affirmé que Jérôme Kerviel avait agi seul, déjouant tous les contrôles internes de la Société Générale, grâce à de « formidables talents de dissimulateur », et ce, avant même que l’enquête n’ait commencé et fourni ses premiers éléments ; après avoir toujours nié la moindre responsabilité de la hiérarchie du trader, de la banque en général, et la sienne en particulier ; alors que les éléments de l’enquête révélés démontent chaque jour un peu plus la stratégie de défense de la banque (75 alertes sur les agissements de Jérôme Kerviel restées sans réponse, légèreté managériale incompétence flagrante de la hiérarchie, culture du profit à tout va élevée en méthode de management au sein de la salle des marchés, recherche désespérée et vaine de complices présumés, audit interne accablant sur les faiblesses des contrôles internes…) ;
Daniel Bouton se décide, enfin, à reconnaître publiquement les « défaillances » dans les systèmes de contrôle de la banque, dans un entretien accordé au site d’informations Mediapart.
Bien que Daniel Bouton tente encore misérablement de nous convaincre que la banque, et lui-même, ne seraient en rien responsables dans la perte de 5 milliards d’euro (Jérôme Kerviel a exploité les défaillances du système de contrôle, qui manquait d’un un «dispositif horizontal de supervision du risque de fraude, de mise en commun des informations » alors que séparément, « les contrôles ont été menés conformément aux règles par chacune des sections concernées»), il ne fait qu’avouer la faute flagrante de la Société Générale, et surtout, sa faute.
Nous pourrions dire qu’il est tout à l’honneur de Daniel Bouton d’avoir enfin reconnu ce que tout le monde avait compris depuis longtemps, Jérôme Kerviel en tête. Pourtant, nous ne pouvons que ressentir un malaise, pour ne pas dire une indignation, un dégout total, devant un tel mépris des actionnaires et devant cet acharnement à vouloir manipuler des esprits qui ne sont pas dupes. Mais dans quel pays, dans quel système économique sommes-nous, pour qu’un dirigeant d’une des plus grosses sociétés françaises ose rester en fonction après un tel constat d'échec et d'incompétence, alors que la mise en place de contrôles efficaces faisait partie de la plus élémentaire de ses responsabilités ? Comment accepter que ce personnage continue à percevoir une rémunération de la Société Générale après avoir contribué, par son action, ou plutôt sa coupable inaction, à vider ses caisses et, partant, ruiner ses actionnaires (n’oublions pas aussi les 2 milliards d’euro de pertes liés aux subprimes, une des pertes les plus importantes pour une banque française dans cette crise) ? Comment ne pas redouter aussi qu’une sortie de Daniel Bouton ne se ferait que par la grande porte, avec large parachute doré en guise de coup de pied au derrière ?
Dans son entretien, Daniel Bouton évoque le « scepticisme du monde politique et de l’opinion publique » qu’il prétend comprendre, et qu’il attribue de façon malhonnêtement perverse à l’ampleur de la perte. Daniel Bouton se trompe, ou fait à nouveau preuve d’hypocrisie : ce qui heurte l’opinion publique, c’est surtout qu’un dirigeant de cette envergure continue à nier sa responsabilité en refusant de prendre la seule décision qui s’impose : quitter sa société sans demander le moindre centime d’euro !
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