En guise de conclusion sur l'affaire Kerviel / Société Générale
La demande d’une nomination d’un collège d’experts indépendants par l’avocat de Jérôme Kerviel, Olivier Metzner (encore un nouveau, les précédents ne convenaient décidément pas !), me donne l’occasion de m’exprimer une dernière fois sur cette affaire. Oui, ce sera mon dernier article. La justice doit désormais faire son travail et s’exprimer sur la culpabilité éventuelle de Jérôme Kerviel. Et il n’y aura ici plus grand-chose à rajouter. Tous les éléments publics de l’enquête ont été présentés, commentés, analysés sur ce blog ; et j’en profite pour remercier les nombreux lecteurs pour leur fidélité.
La dernière « cartouche » d’Olivier Metzner n’apporte rien de nouveau aux éléments connus. Elle ressemble à une tentative désespérée de la défense pour faire entendre des arguments auxquels les juges d’instruction (Van Ruymbeke et Desset) se sont montrés sourds, même agacés.
Il y a eu les alertes, nombreuses, non suivies de rappels à l’ordre, encore moins de sanctions. Il y a eu les montants engagés par le trader, qui n’ont jamais semble-t-il, éveillé les moindres suspicions de la part de sa hiérarchie. Il y a eu les gains formidables de 2007, puis les pertes abyssales de 2008 qui ont conduit à la disgrâce. Il y a eu les dysfonctionnements invraisemblables des systèmes de contrôle de la banque, une absence coupable de management. Il y a eu tout cela… et la Socgen ne peut fuir devant sa responsabilité, considérable, d’avoir créé les conditions d’un tel cataclysme.
Mais il y a aussi, et peut-être surtout, une incapacité de la défense à démontrer, prouver, une complicité objective de la banque. Tout au plus, une négligence coupable, inadmissible à ce niveau... Mais rien en tous cas qui pourrait dédouaner Jérôme Kerviel de sa faute. La stratégie de défense du trader, dans l’esprit, « si je tombe, la banque doit tomber aussi » accable la Socgen et ses manquements, mais ne parvient pas vraiment à convaincre de l’innocence du trader. La défense le sait bien, et ce dernier baroud d’honneur ne semble pas susceptible d’inverser la tendance.
Ce dernier article est aussi l’occasion de prendre du recul, alors que la planète financière sort péniblement d’une des plus grandes tourmentes de son histoire. Il convient de noter que cette affaire, qui n’aurait pu être qu’un épiphénomène coûteux pour la banque, fut le catalyseur d’un marasme boursier considérable, et le révélateur de pratiques inouïes en salles de marchés. Jérôme Kerviel et ses prises de positions de 50 milliards, cela n’était possible que parce que le système financier est vérolé, malsain. Inutile de parler au passé. Nous voyons tous les jours que la planète finance n’attend que son redressement pour reprendre ses turpitudes. Dernier exemple, bien sûr, Dexia, et l’octroi de 8 millions d’euro de bonus à ses dirigeants bien que la banque n’ait été sauvée de la faillite que par une intervention de l’état, donc de ses contribuables. Soyons-en sûrs : la rédemption sera financière, mais pas morale.
Les dirigeants de la Socgen ont su jeter en pâture l’identité d’un homme, en dénonçant sa culpabilité au mépris de tout principe de présomption d’innocence, pour se dégager de leurs responsabilités. Il est tellement plus facile de mettre sur l’échafaud un coupable désigné que de balayer devant sa porte et s’appliquer les principes de moralisation !
Je le répète, tout est dit ici, sur ce blog… le pedigree du trader, un quidam, un trader comme les autres, avide de performances, de bonus, mais pas comme les autres parce que parent pauvre de la salle de marché, l’universitaire passé du back-office au trading, son ascension, son dérapage, sa chute, la bienveillance de la banque quand il gagnait, son lynchage en règle quand tout alla mal…
Un conte de fées financier qui a viré au cauchemar… Et désormais, un être seul face à la justice.
Il n’y a plus rien à dire… je peux me taire désormais.