Sur la mise en examen de Thomas Mougard
Jérôme Kerviel a été confronté hier à son assistant, Thomas Mougard, qui a été mis en examen pendant l’été.
Alors que les avocats de l'ex-trader ont affirmé avoir apporté des preuves tangibles d'une complicité objective de la hiérarchie de Jérôme Kerviel dans ses positions boursières, les juges d'instruction tentent donc d’en déterminer le rôle de Thomas Mougard. Jérôme Kerviel a hier « regretté » la mise en examen de son ancien assistant, le dédouanant ainsi d'une éventuelle complicité (alors que rappelons-le, Jérôme Kerviel n’est pas encore, aux yeux de la loi, coupable).
Qu’elle que soit l’issue de cette affaire, la mise en examen de Thomas Mougard, jeune assistant, et donc petit sbire au sein de sa société (n’y voir aucune appréciation négative là-dedans, nous sommes tous passés par là dans nos débuts professionnels) me semble proprement scandaleuse. Quiconque a mis les pieds dans une entreprise sait bien qu’il est quasiment impossible de ne pas respecter les ordres d’un supérieur hiérarchique : les évaluations de fin d’années, les promotions et bonus éventuels sont liés à la performance individuelle, mais aussi à une appréciation des supérieurs hiérarchiques qu’il convient de ménager en permanence. Même si Jérôme Kerviel avait agi de façon frauduleuse (l’enquête doit le démontrer), quand bien même Thomas Mougard savait que ses opérations étaient frauduleuses (ce qui n’est pas acquis, si on en croit les dires de Daniel Bouton qui voit en Jérôme Kerviel un « formidable dissimulateur »), pouvait-il raisonnablement refuser un ordre, et mettre, peut-être, ses gratifications financières et professionnelles, voire sa survie même au sein de la société, en péril ? Bien sûr que non ! Quelle que soit la culpabilité de Jérôme Kerviel, Thomas Mougard n’est qu’un pantin dans cette histoire !!
Plus généralement, je ne vois pas comment les juges pourraient se prononcer dans cette affaire sans un minimum de connaissances des fonctionnements du monde de l’entreprise. Course à la promotion et au bonus pour l’employé, course à la croissance et au profit pour l’entreprise : le système s’alimente d’une compétition permanente qui pousse chacun à donner le meilleur de soi-même, et parfois à adopter des attitudes peu éthiques. Or l’entreprise elle-même pousse à certains comportements peu recommandables (sans compter nos hommes politiques, sensés représenter la république et donner l’exemple…). Comment, dans ce cas, juger l’accident, certes coûteux, qui est arrivé dans cette banque ?
Car l’hypothèse d’une implication de la hiérarchie semble prendre de plus en plus de crédibilité. Accords tacites sur les positions de Jérôme Kerviel voire encouragements appuyés : il apparaît aujourd’hui fort peu vraisemblable que la hiérarchie de Jérôme Kerviel n’était au courant de rien.