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SauvezKerviel : site sur l'affaire de la Société Générale
3 février 2008

100 000 euro une fois... 100 000 euro deux fois... trois fois, adjugé à.....

Plus traqué que le couple Carla Bruni+ Nicolas Sarkozy, Jérôme Kerviel a acquis ces derniers jours un statut de proie de paparazzi dont il se serait bien passé. J’ai moi-même été contacté par des journalistes qui, en plus de vouloir savoir si je connaissais Jérôme Kerviel, me demandaient mes conditions d’utilisation d’une nouvelle photo du jeune homme, photo dont je n’avais d’ailleurs jamais entendu parler.

La chasse à la nouvelle photo a connu des développements récents fulgurants : le jour de la signature du procès-verbal, un amateur, résidant rue du Château des Rentiers, en face de la Brigade Financière,  a filmé Jérôme Kerviel, depuis son appartement. Le produit de son « tour de force » a ensuite été mis à la vente via le site internet Citizenside. Deux photos tirées de ce film, peut-être payées plus 15 000 euro si on en croit les déclarations de Philippe Checinski, de Citizenside, ont ensuite été publiées par Paris-Match. Quant aux droits de diffusion de la vidéo intégrale, ils auraient été acquis par une agence de presse étrangère pour la somme de 100 000 euro.

Cette « chasse au scoop », au sensationnel, a évidemment quelque chose de malsain. Faut-il pour autant incriminer la presse ? La réalité est assez complexe, à dire vrai.

Au départ, lorsqu’éclate l’affaire Kerviel, la presse fait son travail d’information : elle relate les faits et relaye les propos de Daniel Bouton traitant Jérôme Kerviel d’ « escroc », de « terroriste ». Pourtant, la diffusion, à la Une des quotidiens, de la photo du trader dévoile une volonté de donner un côté spectaculaire à cette information. Conséquence, la Société Générale, et la presse, ont désigné de facto un coupable, alors que notre droit stipule que toute personne est considérée comme innocente tant que sa culpabilité n’a pas été prouvée. Il s’en est suivi une course contre la montre, pour savoir quel media allait annoncer un nouveau scoop avant ses rivaux. Contacté par de nombreux journalistes, j’ai dû systématiquement répondre à des questions du type « Connaissez-vous Jérôme Kerviel ? », « Travaillez-vous en banque » ou encore, plus coquasse « Etes-vous breton ?». Curieuses questions, qui sous-entendent qu’il faudrait appartenir aux « castes » de Jérôme Kerviel pour se sentir concerné par son sort. Pour ceux qui croient cela, l’engouement suscité par l’affaire apparaîtra toujours comme un phénomène facilement explicable : il s’agit de le défendre parce qu’il appartient à notre camp. Ainsi a-t-on entendu parler à la TV d’une supposée « solidarité entre traders ». Et pourtant, les messages de soutien qu’on peut lire ça et là émanent de gens qui ne connaissent pas Jérôme Kerviel, qui ne travaillent pas en banque, et qui ne sont pas forcément Bretons. Comme je le soulignais dans un précédent article, il y a bien un élan spontané pour défendre la présomption d’innocence, voire, un réflexe quasi pavlovien issu de notre passé révolutionnaire qui consiste à défendre, par principe, le faible contre le fort.

En centrant au maximum la couverture de l’affaire autour de la personnalité de Jérôme Kerviel, la presse induit que celle-ci serait déterminante dans le déroulement des faits. Or la défense de Jérôme Kerviel consiste à le présenter comme un rouage d’un système, où la course aux bonus et à la performance conduit les intervenants du marché à outrepasser leurs droits avec l’accord implicite de leur hiérarchie tant qu’ils sont gagnants. Rappelons d’ailleurs que Jérôme Kerviel était arbitragiste, métier qui consiste à acheter et vendre des valeurs sur des marchés différents pour bénéficier des différences de cotation. Cette fonction impliquant des positions sur le marché très court-termistes, la justice devra déterminer si la connaissance potentielle des positions sur le marché de Jérôme Kerviel n’accable pas de fait sa hiérarchie. Dans ce cas, on comprendra facilement que la personnalité de Jérôme Kerviel est anecdotique alors qu’il s’agit de juger un système entier. Soulignons pour terminer que certains organes de presse privilégient cette approche : ainsi, la radio suisse-romande a décidé de ne pas citer le nom de Jérôme Kerviel dans ses reportages, afin de se mettre en conformité par rapport à la présomption d’innocence. Une telle attitude honore leur profession, et je ne peux que les féliciter pour leur intégrité.

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Commentaires
S
Comment ne pas être fan de Jérôme Kerviel après cette histoire ? Elle met en lumière les défaillances du système ... La Société Générale est-elle la banque la mieux organisée au monde ? On peut en douter désormais
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